Il faut beaucoup d’artisans anonymes pour faire tourner le gros animal, le monstre, la machine à rêver, à délirer, à penser, et surtout pour libérer la puissance des artistes. Saisis dans le feu de l’action ou dans le stress de la préparation de la toute première représentation, tous sont au moins aussi exigeants, impitoyables, inventifs, impatients, inquiets, rationnels et déraisonnables que les Planchon, Lavelli, Vitez, Bayen, Brook, Wilson, Vincent, Caubère, Mnouckine, Bausch, Cunningham, Castelluci, Castorf, Ostermeier, etc., qui ont écrit les pages les plus glorieuses d’Avignon. Ce sont eux que le documentaire de Paul-Henri Moinet et Laurent Bergers est allé chercher dans le ventre de la baleine avec la complicité de Caroline Guiela Nguyen, jeune artiste dont c’est le premier festival. Arpentant les lieux dans les murs, hors les murs, les carrières, les chapelles, cloîtres, cours, jardins, gymnases, croisant les regards des acteurs invisibles du Festival avec ceux des artistes et ceux des festivaliers, les érudits, les donateurs, les néophytes, les badauds, les people, les obscurs, attrapés au hasard d’une rue ou à la sortie d’un spectacle, la nuit, le jour, elle aide à dessiner une nouvelle carte, humaine et drôle, de ce pays aussi imaginaire que réel : le Festival d’Avignon.