
Catherine Jacob réalise un vieux rêve, incarner le personnage haut en couleur de madame Tellier. Interview :
Comment Odile Tellier s’est-elle retrouvée à la tête d’une maison close ?
Odile est une fille de la campagne qui a eu la chance d’épouser un bourgeois, à la mort de ce dernier, elle hérite de son affaire florissante. L’époque n’est pas au jugement moral, ce qui compte c’est d’être au chaud et en sécurité. Cette petite dame vit dans son confort bourgeois, sans être dupe de la réalité, seul l’argent compte dans la société normande du XIXe siècle. Bienveillante et autoritaire, elle dirige sa maison close comme une pension de famille. Dans son salon se côtoie toute la bonne société masculine de la ville, du boulanger au fils de notaire, tous venus s’étourdir dans les bras des quatre délicieuses beautés. Madame Tellier veille sur ses filles comme une mère et n’hésite pas le moment venu à offrir, peut-être, un autre avenir aux deux sœurs orphelines, Loulou et Framboise. Contrairement à la nouvelle de Maupassant, les filles de la maison Tellier sont toutes des jeunes filles fraîches et encore innocentes.
Selon vous, qu’est-ce qui provoque l’incident à la campagne ?
Quand Odile et ses pensionnaires débarquent dans ce petit village, elles font sensation. Puis très vite, la rencontre de ces deux mondes tourne au drame. Sa relation avec son frère, joué par Bruno Lochet, est tendue. Il essaie de dépasser son a priori, poussé par son épouse consciente de l’enjeu financier que représente la bourgeoise de Fécamp. Malheureusement Jean finit par exploser lors de la scène de bal qui dérape lorsqu’il entend prononcer le mot bordel.
Le film dépeint une bien triste condition féminine...
Maupassant dépeint l’humanité sans complaisance et lorsqu’il s’attaque à la condition féminine, la résonance est terrifiante. Entre la prostitution ou le mariage, forme de prostitution légale, le futur des femmes pauvres était sans appel. Le film est d’autant plus cruel que les filles sont jeunes et fraîches. Je pense surtout à Loulou avec ses rêves d’enfant qui finiront brisés en mille morceaux dans une ruelle sombre, violée par trois brutes qui ont un sentiment de toute puissance et d’impunité. Odile trouve les mots pour sécher ses larmes. Si c’est vrai qu’elles sont condamnées à être des prostituées, le bonheur de toute façon n’existe pas pour les femmes de cette époque, alors mieux vaut trinquer au champagne dans la maison des plaisirs.
Propos recueillis par Violène Mendoça, France 2