Le 17 novembre 1986, un peu avant 20 heures, une voiture avec chauffeur s’engage lentement boulevard Edgard-Quinet, dans le XIVe arrondissement de Paris. Au 16, le véhicule du PDG de Renault stoppe. Georges Besse ramasse ses journaux, la serviette en cuir offerte par sa femme, s’extrait de la voiture et pose son imperméable sur son bras gauche en fouillant dans sa poche à la recherche de ses clefs. À quelques mètres, deux filles font mine de regarder une vitrine encore éclairée. Le chauffeur est déjà loin lorsqu’il entend des coups de feu. Besse vient de s’effondrer sur le trottoir, atteint par trois balles dont l’une en pleine tête. Les témoins présents ont vu deux jeunes femmes s’enfuir.
Entre 1979 et 1987, un groupe d’extrême gauche met la France à feu et à sang. Braquages, attentats à la bombe, assassinats. Ils frappent fort et disparaissent dans un nuage d’explosifs, de tracts jetés au vent, de revendications idéologiques implacables. Leur nom de guerre ? Action directe.
Plus de 80 attentats, 26 blessés et 12 morts en moins de dix ans. Les Français sidérés découvrent placardés partout les portraits de ces jeunes femmes et hommes qui ressemblent à tout le monde et que rien ne semble pouvoir arrêter. Commence alors une longue et intense traque qui s’achèvera sur l’arrestation du noyau dirigeant.
Le film raconte cette histoire française, aussi fascinante que mal connue. Elle prend racine dans Mai 68, le romantisme révolutionnaire et l’illusion du grand soir, les utopies de la décennie 1970 et les frustrations de la realpolitik, avec l’élection du président socialiste François Mitterrand. Elle prospère sur les rêves de toute-puissance d’une poignée d’idéalistes illuminés qui confondent action politique et grand banditisme. Elle s’achève sur des meurtres accomplis de sang-froid. Elle se solde par la condamnation à la « réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de 18 ans » de Jean-Marc Rouillan, Nathalie Ménigon, Joëlle Aubron et Georges Cipriani en 1989.
Aujourd’hui, la totalité des membres d’Action directe encore vivants ont été libérés. Ils n’ont jamais exprimé ni remords ni regrets. Quelques mois avant de mourir d’une tumeur au cerveau à l’âge de 46 ans, Joëlle Aubron donnait en mars 2006 une interview à Libération : « Action directe n’a pas surgi de nulle part. Nous appartenons à une longue histoire et nous fumes nombreux à penser, à compter sur un élan qui finalement ne vint pas. Notre hypothèse a échoué. C’est clair. Mais de toute façon, je ne peux pas m’asseoir sur dix-sept ans et même vingt-cinq ans de ma vie. Je me dirais : " Tout cela pour rien ?” »