Hervé est surveillant de travaux, et ses nuits sont toujours une course contre la montre. Sous ses ordres, des centaines d’ouvriers doivent réaliser en un temps record des chantiers titanesques, impossibles à réaliser le jour. « Si ce soir, on ne fait pas ce qu’on a à faire, on ne peut revenir que dans un mois… ça met de l’adrénaline… » Avec plus d’un million de véhicules par jour, les voies s’usent rapidement, 4 fois plus qu’une autoroute normale. Mais Hervé n’a qu’une nuit pour sécuriser 12 kilomètres de voies, exceptionnellement fermées au trafic. « J’ai la pression car si jamais il y a un problème, il faut trouver une solution pour que demain matin à 5h, le parisien a l’impression qu’il ne s’est rien passé. » Mais un imprévu pourrait bien empêcher Hervé de rouvrir le périphérique dans les temps…
Les nuits de Jérôme réservent elles aussi leur lot de surprises. Cet éboueur fait partie d’une armée de l’ombre chargée d’effacer les traces de vandalisme, mètre après mètre, aux abords du périphérique « On trouve de ces trucs, on se demande comment c’est arrivé là… J’ai trouvé une meuleuse, un vélo coupé en 2, un sextoy… On pourrait tenir une brocante ». Régulièrement, il troque sa pelle et son balai pour un rouleau de peinture. Car à chaque fermeture, les éboueurs doivent aussi recouvrir de carrés blancs les traces des taggueurs. « Je sais pas si il y en a qui appelle ça de l’art mais on n’a pas la même notion du mot art ; et demain, ils vont revenir et il faudra recommencer ; un jeu sans fin. »
Dans ce no man ‘s land, Aladdin, lui, a trouvé un lieu gigantesque, à l’abandon , au cœur d’un pilier du périphérique. « Moi je suis squatteur, c’est dans ma nature de trouver des lieux laissés à l’abandon et de les ouvrir… » Ce squatteur né s’est lancé un pari fou : transformer cet immense hangar en un restaurant « freegan » qui ne proposera des menus qu’à partir de produits alimentaires invendus. Après 1 an de négociations, Aladdin a obtenu pour la première fois une autorisation légale mais à une condition : se mettre aux normes ; maçonnerie, électricité, plomberie, éclairage, cuisine… Il faut tout rénover, sans toucher à la structure ni perturber le trafic. « c’est un lieu qui a une âme, il faut le respecter. » Cout estimé des travaux: 400 000 euros. Un chantier hors norme qui pourrait bien avoir raison de sa motivation…
Le périphérique de paris a aussi sa propre police. A 26 ans, Oceane, vient d’en intégrer la Brigade nocturne. « L’ambiance la nuit est particulière. On ne sait pas ce qui peut se passer. » Si le jour le périphérique est un immense embouteillage, la nuit le trafic est plus fluide, les comportements se relâchent, les excès sont plus importants… « Du coup, on a beaucoup plus d’interventions la nuit que le jour et le travail est beaucoup plus intéressant. On peut s’attendre à n’importe quelle intervention » Entre course poursuite et police secours, Océane va devoir sécuriser les 35 kilomètres de bitume qui entourent la capitale…
La nuit, le périphérique est aussi un immense terrain de jeux pour des artistes en quête de sensations fortes, comme Hugo. Ce grapheur veut réaliser un projet insensé : peindre clandestinement dans le monde entier chaque minute contenue dans 24h. « Je mets des petits tatouages sur les murs, c’est la pure liberté. » Un défi totalement insensé, car au total, il doit peindre 1440 minutes. Et en 12 ans, il n’en a réalisé que 300… La prochaine, il la voudrait sur un mur du périphérique ; « C’est un lieu où il y a beaucoup de passage, où le temps a toute son importance ; écrire l’heure ici, ça fait sens pour moi… » Et il est prêt à prendre tous les risques pour réaliser son œuvre.
