stephane.bern02Suite à leurs succès respectifs, les émissions “Secrets d’Histoire” et “La Télé est à vous” reviennent cet été sur France 2. Stéphane Bern nous offre un aperçu de ces programmes culturels et divertissants. L’émission “Secrets d’Histoire” a été un gros succès les années précédentes !
Effectivement, et je suis très reconnaissant au service public et à France Télévisions de renouveler l’aventure et de miser sur cette émission qui s’est révélée un vrai succès populaire. Je remercie Patrice Duhamel ainsi que Patrick de Carolis d’avoir poursuivi cette expérience. Secrets d’Histoire est une émission qui me correspond, j’y suis très attaché parce qu’on y parle d’histoire de façon divertissante populaire. Je n’aime pas dire vulgarisation.

Pour quelle raison ?
C’est de la popularisation historique, non de la vulgarisation historique. Le but est d’amener le grand public à s’intéresser à notre histoire et à la découvrir à travers des clés d’entrée comme les vies de femmes dans l’Histoire de France. Or la vulgarisation consiste à tout rabaisser, à faire du « grand public », à « violer l’histoire » comme dirait Alexandre Dumas, certes en lui faisant de beaux enfants, mais violer quand même ! Il faut attirer les Français vers l’histoire sans la trahir, en proposant un angle très populaire, très didactique et chaleureux.

Pourquoi ce choix très féminin cette année ?
Ces femmes sont des figures à la fois connues et méconnues du grand public. Tout le monde croit connaître l’Impératrice Eugénie mais rien n’a été fait à la télévision pour raconter sa vie. Même chose pour la princesse Palatine, dont on ne connaît que les correspondances. A travers Eugénie, c’est également l’occasion de raconter le Second Empire, période fastueuse, achevée il y a 140 ans, c’était hier à peine ! Il y a des choses bouleversantes de vérité dans cette émission et Secrets d’Histoire nous permet de rentrer dans la psychologie de grandes femmes. A ce titre, on m’a permis d’ouvrir moi-même le nécessaire de voyage du prince impérial et j’y ai trouvé son agenda, son carnet d’adresses. J’y ai lu celle du baron Haussman ! On va également montrer pour la première fois avec Eugénie le carrosse de l’Empereur. C’est à la fois une entrée dans la vie intime d’une personne et une mise en lumière de petits morceaux de notre Histoire. Aucune caméra du monde n’a jamais montré ça. Le pouvoir magique de la télévision est d’offrir au plus grand nombre un accès direct, tangible et tactile avec l’Histoire.

Quels sont les messages à faire passer à travers cette émission ?
Il y a un message à transmettre en ce qui concerne les lieux historiques. Certains châteaux comme celui de Versailles ou de Fontainebleau sont magnifiquement entretenus mais, comme on dit, ce sont les arbres qui cachent la forêt ! Nous allons découvrir des lieux souvent en péril, des lieux connus mais où seule la caméra peut pénétrer, comme certaines salles du château de Compiègne par exemple. Nous sommes là pour amener le téléspectateur au cœur de ces lieux moins connus qui nous font revivre l’Histoire. Cela donne un angle très romanesque ! C’est l’histoire d’Anne d’Autriche qui était espagnole à l’origine, c’est l’histoire de d’Artagnan, du duc de Buckingham... On raconte aussi une histoire d’amour, Anne d’Autriche a mis vingt-trois ans avant d’avoir un enfant. Et tout cela nous explique l’Histoire de France. Cette émission sera également l’occasion de mettre en valeur le langage de l’époque et de rompre avec les préjugés car le langage du Grand Siècle n’est pas tout à fait châtié !

Quelles œuvres littéraires allez-vous utiliser pour raconter ces quatre destins ?
Nous aurons bien entendu Alexandre Dumas pour Anne d’Autriche mais également les correspondances de Bussy-Rabutin. Nous allons nous servir de Prospère Mérimée, de Madame de Lafayette et la Princesse de Clèves et j’en passe. Nous nous appuierons également sur l’analyse d’historiens contemporains comme Michel de Decker pour l’Impératrice Eugénie. Pour Anne d’Autriche, nous aurons Jean Christian Petitfils. Grâce aux émissions comme Secrets d’Histoire, les livres d’histoire, comme les biographies historiques, se vendent très bien. Les historiens ont d’ailleurs lancé un appel pour continuer cette émission car elle assure le lien continuel entre l’histoire et les téléspectateurs avides d’apprentissage.

Justement, pour les téléspectateurs, vous apparaissez comme l’ambassadeur de l’Histoire, et votre nom est plus parlant que ceux des émissions…
Je ne veux pas laisser l’empreinte de mon nom dans l’histoire, je veux au contraire la raconter. J’ai été élevé à la lecture d’Alain Decaux et d’André Castelot. Les Français ont toujours aimé leur histoire et ils la découvrent à travers les jardins, les musées et les châteaux. Je ne sais pas si j’ai un rôle à jouer, mais l’année où j’ai fait une émission sur les Châteaux de la Loire avec Catherine de Médicis, ces mêmes châteaux ont connu 30% d’augmentation des visiteurs. C’est exactement ce qu’il s’est produit il y a deux ans lorsqu’on a fait une émission sur l’Empereur et ses femmes au Château de Compiègne. J’espère juste être utile à cela. Je me fiche de laisser mon nom dans l’histoire, je veux simplement contribuer à sa revalorisation. Un peuple qui ne connait pas son Histoire n’est pas capable de vivre le présent et de savoir où il va. Notre Histoire permet de relativiser les tempêtes médiatiques actuelles…

Il va sans dire que vous êtes opposé aux réformes de l’Education Nationale, qui feraient glisser la matière en option…
Evidemment, cela arrangerait beaucoup de monde que les Français deviennent ignares en histoire, parce que cela permet de leur faire croire n’importe quoi ! Je crois que les Français sont plus intelligents qu’on veut bien l’admettre, ils aiment leur Histoire, ils ont une envie d’apprendre. Il suffit de voir en été à quel point les gens sortent et font des visites ! Bien entendu, je milite pour que l’enseignement de l’histoire soit obligatoire. J’ai moi-même eu la chance d’avoir eu des professeurs qui ont rendu l’histoire passionnante. Je crois qu’il y a certaines visites qui devraient être obligatoires pour les élèves: des voyages dans toute la France pour visiter la Cathédrale de Chartes, le Château de Versailles, de Fontainebleau, de Compiègne, parce que c’est une forme de fierté et d’héritage de la nation, un patrimoine commun ! On apprend bien la Ve République, on devrait également apprendre l’Empire, la Monarchie. C’est tout cela qui façonne la nation car la France, c’est 1000 ans d’histoire ! Il y a également là une question d’intégration. La connaissance de l’histoire est le meilleur vecteur d’intégration, autant que l’apprentissage de la langue. Il est plus utile de connaître l’histoire d’un pays que d’en connaitre les résultats à la Coupe du Monde de Football !

La “Télé est à vous”, c’est également une manière d’apprendre à travers l’histoire ?
C’est une forme de jeu, sympathique et chaleureux ! J’ai pris beaucoup de plaisir à animer cette émission, produite par Philippe Tullier et Thierry Ardisson, parce que, d’une certaine manière, on est encore dans l’histoire, celle de la télévision des 50 dernières années. Il y a un exercice que j’ai aimé faire, qui est d’interviewer les grandes figures de la télévision invitées sur le plateau. Je pense à Simone Garnier, Patrick Chêne, des personnalités qui ont façonné la télévision et qui viennent nous raconter leurs souvenirs, leurs anecdotes. J’ai également pris plaisir à fouiller dans les archives, c’est la découverte d’une facette de notre patrimoine finalement.

L’émission a également rassemblé de nombreux téléspectateurs l’année dernière…
C’est très touchant, je comprends pourquoi cela passionne les gens. Et puis on rend les choses ludiques, avec le jeu. La télé, on peut dire qu’elle offre tout et n’importe quoi. Evidemment, je déteste tout ce qui est faussement émission de téléréalité qui, tout le monde le sait, est très scénarisée. Mais la télévision peut également offrir le meilleur : elle propose des documentaires, du théâtre, de la culture, des émissions d’histoire. Et en 50 ans, ce média nous a évidemment offert des divertissements de qualité. Avec La Télé est à vous, on replonge dans l’histoire de la télévision, pour retrouver le meilleur de ce média. Et souvent je me suis aperçu que le meilleur de la télévision était sur le service public !

Propos recueillis par France 2.