Pendant deux mois, Romain Decharne, professeur d’art oratoire, a formé les uns et les autres à l’éloquence. Pendant cette période, les élèves de l’ENA se sont rendus plusieurs fois en détention, tandis que les détenus ont reçu l’autorisation exceptionnelle de se rendre à l’ENA. A la fin, une joute oratoire a été organisée au sein même de la prison, dans une ambiance survoltée. Entre bons mots et traits d’humour, un portrait savoureux de ces deux univers unis par la puissance du verbe.
A 24 ans, Sara est la plus jeune des élèves de l’ENA, et manie déjà le verbe avec aisance. Mais pour la bousculer dans ses retranchements, Romain Decharne, le professeur d’art oratoire, va lui faire prendre la place d’un vendeur de fruits sur un grand marché « J’aime créer ce type d’évènements qui place les élèves dans une position d’inconfort. C’est là que les personnalités se révèlent ». Pendant ce temps, Marion, l’une des élèves les plus douée, doit alpaguer les passants en les invitant à participer à un débat sur la reconstruction de Notre-Dame, « Aidez-moi, implore-t-elle avec humour, je suis en train de m’humilier », tandis que Paul doit vendre des journaux à la criée. Des exercices qui visent à stimuler la spontanéité, point faible des énarques. Elle aussi élève dans la prestigieuse école, Alexandra ne passera pas par ces exercices déroutants, mais elle a un secret de famille qui va bouleverser les détenus et créer un lien particulier avec eux, brisant tous les préjugés sur le vécu des énarques. « Il était important de montrer que l’ENA n’est pas uniquement constituée d’élèves privilégiés. Nous aussi, on a un vécu ».
Derrière les grilles, Johann et Kelven, 24 ans tous les deux, sont des détenus enjoués et fort en gueule, mais quand il s’agit de s’adresser à une assistance, ce n’est plus la même histoire… « En prison, on n’a pas l’habitude de prendre la parole devant les autres », s’amuse Johann. « On a nos codes, on s’interrompt tout le temps… Il a fallu se faire violence pour construire un discours ». Au début tétanisés par le trac, ils vont peu à peu montrer une aisance qu’ils ne se connaissaient pas. Autorisés à quitter la prison pour se rendre en train à l’ENA, située à Strasbourg, Romain Decharne leur réserve une surprise : « vendre » des câlins aux passagers… Une épreuve où il va falloir surmonter sa timidité. Kelven, embarrassé : « Mais ils dorment tous et il n’y a que des hommes ! » Romain, le professeur : « tant mieux, le défi est d’autant plus grand ! »
Lors de la joute finale, au sein de prison, les uns et les autres ont aiguisé leurs arguments, mais la pression est lourde : les énarques sont accueillis sous les huées d’une audience qui ne leur est pas acquise, tandis que les détenus subissent une pression étouffante… Le résultat final en surprendra plus d’un…