Pendant huit siècles, le compagnonnage a été exclusivement une affaire d’hommes. Les portes de la prestigieuse institution des compagnons du devoir se sont ouvertes aux femmes en 2004. Mais leur intégration progressive après 800 ans de règne masculin, est un parcours semé d’obstacles. Elles représentent aujourd’hui environ 13% de ces promotions. Rencontre avec ses femmes de devoir !
À 20 ans, Magali rêve de devenir compagnon mais pour cela, l’apprentie peintre en bâtiment doit passer une première épreuve. Dans la Maison de Nantes dans laquelle elle vit, elle va devoir réaliser un travail minutieux et exigeant qui demande des trésors de précision : une peinture décorative sur des portes à double battant représentant un soleil : « Depuis toute petite j’aime peindre… Ici il faut être exigeant et perfectionniste pour s’en sortir »
A seulement 19 ans, de lourdes responsabilités pèsent déjà sur les jeunes épaules de Camille, tapissière, qui a entamé son Tour de France il y a 3 ans. Elle rêve de s’envoler pour l’Australie l’an prochain. Pour prouver à ses pairs qu’elle est à la hauteur, Camille va devoir relever un double défi. Elle doit réaliser en un temps record un fauteuil-crapaud, un rideau-store et une banquette : « moi je suis tapissière, donc c’est la première fois que je vais devoir aussi réaliser l’armature du meuble ». En plus de sa réalisation et pour prouver son engagement chez les Compagnons, ils l’ont mise au défi en lui confiant le rôle de « 1ère aspirante » sorte d’intendante en chef, au sein de la Maison de Montoir-de-Bretagne où elle devra faire régner l’ordre au milieu de 25 apprentis compagnons : « Moi j’aime bien organiser, diriger, mais c’est une masse de travail supplémentaire ».
Ce rêve d’étranger, Juliette 22 ans, ébéniste le vit chaque jour. Elle passe un an en Thaïlande, à Bangkok, dans l’atelier d’un designer britannique très coté. Mais ce rêve a un prix : loin de ses proches, confrontée à une culture dont elle ignore tout, la jeune femme doit s’accrocher « Au début c’était très dur, ici ils ne parlent quasiment pas anglais, c’est assez dur de communiquer ». Son patron lui a confié la réalisation d’un meuble iconique de sa collection pour un riche client de Dubaï. Mais la jeune femme ne maîtrise pas la technique thaï : « je n’ai jamais fait de la marqueterie de paille et c’est extrêmement technique ».
Enfin, Floriane, 26 ans, a choisi un métier longtemps réservé́ aux hommes : elle est charpentière en région bordelaise. Pour devenir Compagnon après 5 années de Tour de France, elle doit réussir l’ultime épreuve, la plus redoutée, celle du chef d’œuvre : « Je vais consacrer au moins 500 heures à sa réalisation ». Si sa réalisation séduit les compagnons chevronnés, alors elle deviendra l’une des rares femmes à détenir le titre de compagnon du devoir charpentière.
Une immersion inédite dans l’univers du compagnonnage avec ses codes et ses coutumes.