La prison des Baumettes, installée au pied des Calanques de Marseille, est l'une des institutions carcérales les plus emblématiques de France.
Entre ses murs, des détenus célèbres s’y sont succédés : des parrains de la "French connection" à Bernard Tapie, et aujourd’hui les têtes pensantes du grand banditisme marseillais.
Pointée du doigt par le contrôleur des prisons en 2012, elle a aussi été le symbole d’un système carcéral à bout de souffle. Entièrement démolie puis reconstruite il y a 7 ans, la structure, plus moderne et plus sécurisée, n’échappe pas aux tensions et à la violence entre ses murs, avec l’un des taux d’occupation carcéral les plus élevés de France.
Qui sont ces détenus de plus en plus nombreux et plus jeunes ? Quelles sont leurs conditions de détention ? Comment s’organise le personnel de la prison pour contenir les violences ?
« À Marseille, il y a une trilogie imparable, c’est : la bonne mère, l'OM et les Baumettes. » Karine Lagier a dirigé trois prisons avant de prendre la tête des Baumettes en 2022. Tous les jours, elle et ses équipes doivent faire face à la criminalité marseillaise et au narcotrafic. Certains crimes auraient même été commandités depuis l’intérieur alors l’administration renforce les contrôles en cellule : « Il faut que les détenus comprennent qu’il n’y a pas de zone de non-droit, encore moins en prison et encore moins aux Baumettes. » Face à une surpopulation sans précédent, la directrice doit aussi affronter des épisodes d’extrême violence au sein de ses murs. On est aujourd’hui à 60 matelas au sol. Je n'ai pas de baguette magique. Face à la surpopulation, on va tous finir par baisser les bras. »
A 34 ans, Ornella en est à son 3ème passage aux Baumettes. Elle exécute une peine de 28 mois. Comme 42% des détenus en France, elle est condamnée pour récidive. « Mon vice, c’est le vol. Je pense que le pire, ce n’est pas d’être en prison mais le mal que l’on fait subir aux gens que l’on aime. » Ornella fait partie des quelques détenus qui ont le droit de travailler en prison. Si la jeune femme présente un projet de réinsertion solide, elle pourra peut-être obtenir une réduction de sa peine et bientôt pouvoir sortir. « On assume nos peines. Si on est en prison, c’est qu’on a un problème à l’extérieur, mais si en prison on ne règle pas ce problème, on est voué à l’échec. »
David, lui, est arrivé aux Baumettes il y a seulement un mois. Condamné à un an de prison ferme pour trafic de stupéfiants, le jeune homme de 24 ans, est en prison pour la première fois et vit très mal le quotidien des Baumettes. « C’est vraiment difficile. J’ai peur de retomber dans le trafic en sortant, parce que ce n’est pas facile de trouver un travail dans ma situation. Maintenant j’ai un casier judiciaire en plus ». Comme près d’un quart des détenus, il a le statut d’indigent. La prison lui verse 30 euros par mois mais cela ne suffit pas à subvenir à ses besoins. « Mon tabac va bientôt se terminer. C’est 3, voire 4 fois plus cher ici ! C'est pour ça que je ne suis pas bien. Je n’ai pas d'argent, je n’ai pas de famille, je n'ai rien. J’attends juste la sortie, le plus vite possible. »
Au quartier des arrivants, l’un des secteurs les plus sensibles de la détention, Émilie et Ali ont pour mission de surveiller des détenus souvent fragiles. La plupart d’entre eux vivent ce que l’on appelle le « choc carcéral » : « Ils se retrouvent pour certains pour la première fois enfermés entre quatre murs, avec peu de mètres carrés, avec un codétenu. D’un coup, ils se retrouvent seuls avec leurs idées. » Le risque de suicide y est plus élevé que dans d’autres quartiers de la détention. Jours et nuits, Ali et Émilie doivent observer leurs comportements. Mais en raison de la surpopulation, la violence y est parfois incontrôlable. Des moyens de surveillance insuffisants font que les drames ne peuvent pas être toujours évités…