En France, seuls 17 « grands procès historiques » ont été enregistrés afin d’en laisser une trace pour l’Histoire. Parmi eux, celui de Hienghène, en octobre 1987, dont l’issue est tellement outrageuse qu’on peut se demander comment la justice a pu se prêter à une telle parodie. Ces enregistrements sont inaccessibles pendant cinquante ans mais, pour la première fois en France, nous avons obtenu l’autorisation de les utiliser. Ils illustrent tragiquement l’histoire de la Nouvelle-Calédonie et font tragiquement écho à l’état d’insurrection qui y règne aujourd’hui.
Le village de Hienghène illustre l’effroyable chaos dans lequel le territoire a sombré en 1984 : alors que les élections se profilent, les relations autrefois cordiales entre Kanaks et « Caldoches » virent au cauchemar. Hienghène est d’autant plus symbolique que le maire n’est autre que Jean-Marie Tjibaou, emblématique leader des indépendantistes kanaks.
Le 5 décembre 1984, un groupe de Caldoches survoltés par la montée des tensions organise une embuscade contre des Kanaks qui, ironiquement, venaient de discuter de l’arrêt des hostilités. Les véhicules de ces derniers sont criblés de balles, les fuyards froidement abattus. Bilan : dix morts, tous Kanaks, dont deux frères de Jean-Marie Tjibaou, et sept blessés.
Trois ans plus tard, les sept meurtriers sont traduits devant la cour d’assises de Nouméa, dans un climat de tension extrême. Pendant deux semaines, c’est toute l’histoire moderne de la Nouvelle-Calédonie qui va défiler à la barre. Quand le verdict tombe, c’est la sidération : acquittement général, au titre de la légitime défense. Cette sentence résonne encore comme l’un des plus grands scandales judiciaires de notre époque. Dès lors, la Nouvelle-Calédonie va s’enflammer plus encore, et six mois plus tard éclate l’affaire de la grotte d’Ouvéa…