A Marseille, Stéphane est à la tête de la « brigade des clopes ». Depuis deux ans, au commissariat des quartiers nord, une brigade spéciale de lutte contre le trafic de cigarettes fait la chasse aux revendeurs qui gangrènent la ville. Les six policiers de la Brigade veulent gêner les revendeurs par « une stratégie de harcèlement ». « Nous arrêtons les vendeurs à la sauvette mais ils sont vite relachés. Nous avons dû adapter notre stratégie et viser plus haut ». En moins de cinq ans, les réseaux criminels ont industrialisé le traditionnel « marché fourmi » qui inondait la ville.
Au tribunal de Foix en Ariège, le procureur Laurent Dumaine n’imaginait pas que son département, le moins peuplé de France, était devenu un haut lieu du trafic de cigarettes. « Notre tribunal est le plus proche de l’Andorre, nous sommes comme une sentinelle. Pour désorganiser ces réseaux, nous appliquons des peines exemplaires qui se traduisent souvent par de la prison ferme ». Pour alimenter les marchés noirs de Toulouse et Perpignan, jour et nuit, des dizaines de passeurs à pied traversent la montagne, chargés de ballots de cartouches. Un casse-tête pour douaniers qui les poursuivent sur les sentiers enneigés, à 2000m d’altitude.
En Andorre, Frédéric, le commissaire de police, est en filature dans la capitale de la principauté. Des Français sont suspectés d’organiser un trafic de grande ampleur avec la France. Ils sont dangereux et connus des services des douanes de l’hexagone. Ces trafics ternissent l’image de tourisme de luxe que l’Andorre souhaite donner, mais en appliquant une politique de dumping fiscal au tabac, le petit pays est devenu le « grenier » à cigarettes des trafiquants.
Pour les buralistes, l’explosion de la vente de cigarettes de contrebande est une ultime atteinte à leur profession. Patrick tient un bureau de tabac à Dunkerque. Il souffre depuis toujours de la proximité avec la Belgique qui proposent des cigarettes 30% moins chères qu’en France. Depuis quelques mois, la région doit faire face à un phénomène qui touche toute la France. Plus besoin d’être frontalier pour acheter le tabac à moindre coût, les réseaux sociaux se sont transformés en bureaux de tabac clandestins : « Ils pullulent sur la toile, et en plus ils vendent des cigarettes contrefaites. »
Pendant un an, aux côtés des forces de l’ordre, des buralistes, des petits et des gros trafiquants, “Grands Reportages” a enquêté sur ce marché juteux.