Cette semaine dans “La grande librairie”, François Busnel reçoit Joseph Weismann, Julia Wallach et Jacqueline Fleury-Marié.
Joseph Weismann Après la rafle (Les Arènes)
Jo Weismann, un destin : l'un des derniers rescapés de la rafle du Vel' d'Hiv
Le 16 juillet 1942, les autorités de Vichy procèdent à une rafle de familles juives parisiennes. Joseph et les siens sont conduits au Vélodrome d'Hiver, puis en wagons à bestiaux jusque dans le camp de transit de Beaune -la-Rolande. Transit... Vers où ? Un matin, on arrache à Jo ses parents et ses deux soeurs, qui sont déportés à Auschwitz. À Beaune-la- Rolande, une autre guerre a commencé : celle d'un enfant de 11 ans perdu dans un camp d'orphelins.
Joseph est jeune, mais il sent, comprend. Il monte un plan d'évasion avec un autre enfant : Joseph Kogan. Ensemble, ils se glissent sous 15 mètres de barbelés qu'ils "détricotent" à mains nues, durant 6 heures d'affilée. Une fois extirpés des barbelés, ils courront pour leur liberté, dans un monde devenu cauchemar. Ils se retrouveront des années après leur évasion, pour tenter de mettre du baume sur leurs souvenirs... Depuis, Joseph Weismann, 90 ans aujourd'hui, participe à des conférences, des colloques, des débats, des films. Et il raconte.
Sa guerre à lui ne s'est jamais vraiment achevée. Mais nous sommes tous les héritiers de sa douleur et de ses espérances.
Julia Wallach Dieu était en vacances (Grasset)
« A Auschwitz, j’ai cherché ma mère partout dans le camp des femmes. Je demandais à toutes les Françaises. Je cherchais par date d’arrivée, j’allais voir dans les baraquements. Ma mère était très débrouillarde, très joyeuse. Elle avait une telle force de vie que j’étais certaine de la retrouver. Puis j’ai rencontré une femme qui se souvenait d’elle. C’est toi Julia ? m’a-t-elle demandé. Il paraît que ma mère parlait de moi sans arrêt.
J’espérais que mon père, comme il savait travailler le cuir, serait employé dans un bon commando. Mais quelques jours après notre arrivée, je l’ai croisé sur le chantier du Revier, l’infirmerie des femmes. Il s’était porté volontaire parce qu’il voulait savoir ce qu’il était arrivé à sa femme. Qu’est-ce qu’on peut contre un grand amour ? C’est la dernière fois que je l’ai vu. On m’a dit qu’il avait été envoyé nettoyer le ghetto de Varsovie puis, avec tout son commando, assassiné.
Au camp, pendant l’appel, on soufflait dans le dos de la femme devant nous et on frottait le tissu mince de sa robe. Celle qui était derrière nous faisait pareil. Quand on avait une journée sans travail, on s’asseyait par terre et on se racontait notre enfance. Et puis on chantait. »
Née à Paris en juin 1925, de parents polonais, Julia Wallach a quinze ans quand les Allemands entrent dans Paris, et dix-sept ans quand elle est arrêtée avec son père sur dénonciation d’une voisine, en 1943, puis déportés de Drancy vers Auschwitz-Birkenau… Julia connaît la faim, le froid, les coups, et la marche de la mort à travers la Pologne et l’Allemagne enneigées. Pendant quatre mois, sans plus rien à manger, ils avancent. En avril 1945, avec quelques femmes, Julia trouve encore la force de s’enfuir….
Elle qui a survécu au typhus et aux sélections, aux coups, au froid et à la faim, aux deuils et au chagrin, va pas à pas, reconstruire sa vie, tomber amoureuse et fonder une famille dont les photos magnifiques ornent les murs de cet appartement qu’elle n’a jamais plus quitté. Son livre est le récit d’une longue marche vers la vie, ponctué d’éclats de rire et de colère, drapé, avec une élégance sans faille, dans la force de caractère qui n’a jamais cessé de l’animer.
Jacqueline Fleury-Marié Résistante (Calmann Levy)
À dix-sept ans, Jacqueline Fleury-Marié s’engage contre l’occupant nazi dans les réseaux Défense de la France puis Mithridate, comme ses parents et son frère. Distribution de journaux et de tracts, transport de messages, recherche de caches… elle effectue de nombreuses missions de liaison et de renseignement – jusqu’à recopier une partie des plans du mur de l’Atlantique. Elle est arrêtée et emprisonnée à Fresnes, torturée par la Gestapo, parquée dans un train de déportation, connaît l’horreur de Ravensbrück, puis l’enfer des marches de la mort... Dont elle revient, brisée mais vivante.
Sur les 1 038 résistants élevés Compagnons de la Libération par le général de Gaulle, seulement six sont des femmes – un chiffre qui est loin de représenter leur réelle part à cette lutte clandestine. À quatre-vingt-quinze ans, Jacqueline Fleury-Marié livre un témoignage exceptionnel et rend hommage à toutes ses compagnes, héroïnes souvent inconnues, qui se sont sacrifiées pour leur patrie, pour la liberté et dont les visages continuent de la hanter.
Pour que l’Histoire ne les efface pas. Et que les valeurs qui ont porté leur combat éclairent notre époque.