Au cœur de l'été 1995, le terrorisme prend un nouveau visage : celui de Khaled Kelkal. En moins de trois mois, la France subit huit attaques terroristes. À chaque fois, des bonbonnes de gaz explosent, remplies de clous pour faire un maximum de victimes. Le bilan est lourd, 8 morts et plus de 200 blessés.
"Affaires sensibles" replonge dans la traque de cet homme dont la trajectoire préfigure celles des terroristes Mohamed Merah, des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly.
Le GIA soupçonné
Le premier attentat, celui du métro Saint-Michel le 25 juillet à Paris, est le plus meurtrier. Il marque le début d'une enquête qui va mettre les services de police à rude épreuve. L'ombre d'un dangereux groupe islamiste plane au-dessus de ces explosions : le GIA, organisation terroriste créée en 1992 en Algérie, qui prend à cette époque la France pour cible.
Six mois plus tôt, en décembre 1994, ce sont des membres du GIA qui ont détourné un vol Paris-Alger avec 227 passagers à bord, tuant 3 personnes. Le GIGN met fin au détournement sur le tarmac de Marseille, lors d'un assaut resté célèbre.
Un profil qui surprend les enquêteurs
En septembre 1995, une empreinte digitale relevée sur une bonbonne de gaz va mettre les autorités sur la piste de Khaled Kelkal. Ce jeune Algérien de 24 ans, qui a grandi dans une cité de Vaulx-en-Velin, est déjà connu des services de police pour des affaires de vol. Mais son profil surprend les enquêteurs. Ils recherchaient des terroristes algériens aguerris, ils tombent sur un petit délinquant d’une banlieue française.
Les investigations permettront de mieux comprendre son parcours, qui fut longtemps celui d'une intégration réussie, jusqu'à sa radicalisation en prison au contact d'autres détenus, un phénomène jusque-là inconnu en France.
Abattu par les gendarmes en plein journal de 20 heures
L’État déploie les grands moyens pour l’interpeller : 760 gendarmes sont mobilisés. Le 29 septembre, cette chasse à l'homme très médiatisée s'achève de manière aussi tragique que spectaculaire. Kelkal est abattu par les gendarmes devant deux équipes de télévision, en plein journal de 20 heures.
La traque de Kelkal révélera les limites de la lutte anti-terroriste dans la France des années 1990, avec des services de police minés par les luttes intestines. Frédéric Péchenard, l'ancien patron de la brigade criminelle qui a enquêté sur ces attentats, témoigne de cette ambiance délétère : "Je n'ai connu qu'un seul épisode de guerre des polices à ce point-là, c'était à ce moment-là."
En 1997, 25 hommes impliqués dans cette vague d'attentats seront jugés. La plupart d'entre eux, comme Khaled Kelkal, sont issus de banlieues populaires. Et c’est bien ce constat qui sidère alors la France : de jeunes terroristes qui ont grandi sur le sol français, sont passés par l’école de la République, se retournent contre elle, préfigurant un changement profond dans la nature même du terrorisme. Un phénomène malheureusement confirmé des années plus tard par les sanglants attentats de janvier et novembre 2015.
Un document de Dimitri Queffelec, Vincent Barral et Juliette Orcel.